Homélie de l’Assomption du Père Daniel

Je voudrais revenir sur le texte de l’Apocalypse – la première lecture – que nous venons d’entendre. Déroutant comme une peinture moderne, il est difficile à déchiffrer pour les non-initiés. L’Apocalypse de St Jean est écrit en langage codé, et pour cause. C’étaient des pages qu’on se passait sous le manteau, en pleine persécution, pour se redonner confiance. Avec des images saisissantes, l’apôtre Jean décrit la violence des persécutions contre les chrétiens :
« Le dragon se tenait devant la femme qui allait enfanter afin de dévorer l’enfant dès sa naissance. »
La femme, dont il est question, ce n’est pas Marie. Il s’agit de la communauté des premiers chrétiens aux prises avec la persécution des empereurs romains. Cette communauté, qui enfante un monde nouveau voulu par le Christ, va-t-elle être balayée, dispersée par le dragon ? Non !
L’apôtre Jean, avec des mots non moins saisissants annonce la victoire du Christ et de ceux qui lui font confiance : « Voici maintenant le salut, la puissance et la royauté de notre Dieu et le pouvoir de son Christ. »

En méditant cette scène de l’apocalypse, je me disais qu’il ne faudrait pas penser seulement à un lointain passé, comme si le message ne convenait qu’aux premiers chrétiens. Reconnaissons qu’elle dépeint le drame de l’humanité de tous les temps, de notre temps peut-être encore plus particulièrement :
En face de tous ces drames qui se jouent quotidiennement, comme il est difficile de croire que, malgré le mal qui traverse notre humanité, l’Amour de Dieu, plus fort que ce mal, fait advenir un monde nouveau ! Certains pourraient peut-être nous dire que, dans notre cas, notre foi n’est qu’une pure illusion, ou bien alors qu’elle nous sert d’excuse pour nous donner bonne conscience, puisque, contre toute cette inhumanité nous n’y pouvons pas grand-chose et que de toutes façons ça s’arrangera bien un jour…

Justement, pour ne pas mériter ces reproches, essayons simplement, puisque c’est sa fête aujourd’hui, de nous tourner vers la Vierge Marie. Je vous ai dit à l’instant que la femme, dont il est question dans le texte de l’Apocalypse, ne représentait pas la Vierge Marie, mais très tôt dans le premiers temps de l’Eglise, les chrétiens y ont vu, eux, la figure de Marie, dont la foi et l’espérance ont été inébranlables et donc qu’elle était là sur nos chemins d’hommes et de femmes pour nous donner la direction à prendre :
- Marie, par sa foi et son espérance, est un peu comme une balise indispensable pour ne pas nous égarer, surtout dans les moments d’épreuves et d’obscurités…
- Marie, par sa foi et son espérance, nous invite à faire partie des « humbles », dont nous parle le Magnificat…Ces humbles c’était les humbles de l’histoire du peuple de Dieu, c’est-à-dire :
- Ceux qui, coûte que coûte, font confiance à Dieu.
- Ceux qui attendent « dans la douleur de l’enfantement » la libération.
- Ceux qui agissent « humblement » et qui luttent pour que dans notre monde il n’y ait plus de « superbes » et de « puissants » qui écrasent les pauvres, et de « riches » qui affament leurs concitoyens.

Voilà la direction que nous indique Marie, mais plutôt que de parler de direction, mieux vaudrait dire : programme que nous propose de réaliser Celle qui a toujours cru et espéré…Nous le savons bien, cela n’ a rien de bien facile, mais c’est le programme que le Dieu d’Israël a confié à son peuple…Et le même programme, que Jésus a confié à son Eglise. Et c’est bien parce qu’elle faisait partie du lot de ces humbles « selon le cœur de Dieu » que les chrétiens ont tenu à honorer la Vierge Marie : sur le chemin, qui nous mène vers le Père, Marie est là pour nous dire concrètement qu’en dépit des apparences, l’amour de Dieu sera toujours plus fort que le mal…Il suffit de prendre notre place dans l’immense peuple des humbles selon le cœur de Dieu.